Re-voir tout le colloque sur Viméo, c’est possible:
Au cœur de la clairière, la pratique théâtrale est questionnée en permanence et sous différentes formes. Quoi de plus naturel dès lors que d’y organiser un colloque pour réfléchir à sa pertinence, à ses modes de fonctionnement et de financement.
LeLabō a sollicité Hervé Loichemol, metteur en scène et homme de théâtre, pour qu’il initie, conçoive et mette en oeuvre ce premier colloque, qui questionne la pratique théâtrale aujourd’hui, ses modes de fonctionnement et de financement, avec le concours de nombreux invités.
« Si, comme le disait Heiner Müller, le théâtre est crise, il nous revient d’en observer les moments de plus grande intensité et d’en repérer les évolutions, l’annulation des Emigrants dans la mise en scène de Kristian Lupa à Genève et Avignon nous offre l’occasion de nous arrêter sur la phase actuelle, décisive ou pas, que traverse le théâtre public.
Parmi les symptômes les plus marquants, on peut relever le resserrement sociologique du public, le développement hyperbolique des structures administratives et techniques, la disparition des troupes, la multiplication des compagnies, la systématisation des coproductions, le privilège accordé à la diffusion, la multiplication des normes et des objectifs chiffrés.
Les subventions, c’est-à-dire les sommes d’argent public allouées dans un but d’intérêt public, ont progressivement changé de destination. Initialement destinées à favoriser une démocratisation culturelle, elles ont été mises au service de logiques marchandes et insérées dans des politiques de visibilité et de prestige. La formule est devenue un mantra régulièrement invoqué par les pouvoirs publics pour masquer son effacement dans la réalité et est désormais traitée par les services de communication en plein développement dans les théâtres.
Dans ces conditions, on peut se demander si la notion de service public est encore d’actualité ; si elle peut encore avoir une quelconque pertinence ; si elle permet de contrebalancer les logiques festivalières dominantes ; pourquoi les secteurs techniques et administratifs ont remplacé les troupes permanentes dans les institutions ; s’il est possible de réformer les institutions ; comment se structure le marché ; comment expliquer la croissance de l’offre quand la demande stagne ; de quelle manière les systèmes de production affectent, ou pas, les esthétiques produites…
Toutes ces questions parmi beaucoup d’autres nous incitent à réunir chercheurs et praticiens afin qu’ils nous aident à éclairer la situation actuelle du théâtre.»
Hervé Loichemol
VENDREDI 8 DÉCEMBRE
Accueil et introduction du colloque
Simone Audemars et Hervé Loichemol
PETITES ET GRANDES HISTOIRES DU THÉÂTRE PUBLIC
Aux fondements de la décentralisation dramatique en France : la création et le public
Marjorie Glas
(Table ronde) Brève histoire du théâtre public en Suisse Romande
Guillaume Chenevière | Yvette Théraulaz | René Zahnd | modérateur Eric Eigenmann
Débat avec le public
LUBIES CULTURELLES DE LA MARCHANDISE
Les mutations récentes du théâtre public en France, ou comment le public a été supplanté par la création
Marjorie Glas
Pour une appropriation sociale de la culture
Mathieu Menghini
(Table ronde)
Marjorie Glas | Mathieu Menghini | Olivier Moeschler | modérateur Guillaume Chenevière
Débat avec le public
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SAMEDI 9 DÉCEMBRE
QUESTIONS DE PRINCIPES
Introduction de la matinée
Hervé Loichemol
Peut-on définir l’intérêt public ?
Martin Rueff
Le Nouveau Théâtre Populaire, un théâtre en commun
Sacha Todorov
Débat avec le public
QUESTIONS DE MÉTIER
Formations (table ronde)
Valéria Bertolotto | Gilles Lambert | Nathalie Lannuzel | Yvette Théraulaz | modérateur Eric Eigenmann
Maison des compagnies, Théâtre Saint-Gervais Genève, 1994-2018
Philippe Macasdar
Entrer dans la carrière
Angèle Arnaud | Emeric Cheseaux | Angèle Colas | Alice Delagrave
Débat avec le public
Avec
Angèle Arnaud (comédienne), Valeria Bertolotto (comédienne et responsable académique du Bachelor Théâtre à la Manufacture), Guillaume Chenevière (historien, conférencier et homme de théâtre), Emeric Cheseaux (comédien), Angèle Colas (comédienne), Alice Delagrave (comédienne), Eric Eigenmann (professeur de dramaturgie), Marjorie Glas (socio-historienne), Gilles Lambert (scénographe et metteur en scène), Nathalie Lannuzel (directrice artistique, enseignante et comédienne), Philippe Macasdar (dramaturge, comédien et metteur en scène), Mathieu Menghini (théoricien et praticien de l’action culturelle), Olivier Moeschler (sociologue de la culture), Martin Rueff (traducteur, poète et philosophe), Yvette Théraulaz (comédienne et chanteuse), Sacha Todorov (metteur-en-scène et dramaturge), René Zahnd (auteur et traducteur)
Le Déluge/une forme contemporaine pour nous interroger
Note de Lina Prosa
Le mot DELUGE s’accorde de façon double, tangible, poétique, à la période historique que nous vivons. Depuis longtemps nous sommes mal à l’aise face à des signes profonds de crise émanant de tous les aspects de l’expérience de l’humain. La dimension totalisante de la crise dans laquelle nous nous trouvons a besoin à son tour de se représenter de manière totalisante.
Il n’y pas de meilleure représentation que celle du DELUGE pour nommer la situation mondiale dans laquelle l’homme se trouve, pris dans un profond conflit anthropologique : la dimension du sensible ne sait comment s’adapter au global et la dimension du marché, au contraire, trouve dans le global sa grande maison idéale.
Le conflit semble incurable car ce genre de malaise et ce genre de bonheur dépendent l’un de l’autre.
Aussi, seul le DELUGE peut mettre un terme à un tel fait, une forme de remise à zéro et de redémarrage. Plateforme pour repenser le présent qui est toujours plus exposé à l’aquifère.
Nous nous dirigeons vers un destin obscur et définitif, recouvert par pitié d’eau, le liquide primitif dont parlent les récits mythiques provenant de l’imaginaire du passé.
Le DELUGE est aussi un rite de création qui marque un nouveau départ ; un rite de purification d’où faire surgir la nouvelle histoire de l’humain quand celle-ci devient anachronique, étrangère aux urgences du présent.
Même la pandémie de la Covid, au moment crucial du confinement, a conduit des individus du monde entier à faire des promesses de changement, de mise en pratique d’une nouvelle conscience de l’humain, une façon pour eux de conjurer un déluge localisé dans leur propre corps. Des promesses non tenues, aggravées même aujourd’hui depuis la funeste invasion de l’Ukraine par la Russie de Poutine qui entre avec violence dans la perspective tragique de l’attente de la fin.
Le terme DELUGE contient une valeur dramaturgique extraordinaire. Il trace le développement d’un conflit du présent et de son insatisfaction, s’inscrit dans la conscience du pendant.
Dans la mythologie, le DELUGE est provoqué par une main extérieure, attribuée à Zeus dans l’Olympe grecque et à Dieu dans le récit de l’Ancien Testament.
A qui sera attribuée cette main extérieure dans le troisième récit du DELUGE contemporain ? Ou est-ce uniquement l’angoisse du devenir qui touche à ses moments les plus sombres ?
Toute société vit à sa manière la résurgence du DELUGE.
La société actuelle le perçoit comme un processus inexorable d’intériorisation qui la conduit au blocage de l’action subversive, à l’impossibilité d’agir, d’intervenir pour le salut.
Le corps est prisonnier. Le corps est victime. Comment le libérer ?
La question est prise en charge par le théâtre, apte à rendre concevable l’urgence d’une condition qui se trouve à l’origine de l’évocation du DELUGE.
Il substitue à l’indicible global le dicible individuel.
Les deux récits anciens les plus connus nous montrent deux façons de comparer et de lire le DELUGE.
Après la décrue des eaux, dans la mythologie grecque – premier récit -, Deucalion et Pyrrha se retrouvent sur la cime du Parnasse, la montagne de Delphes consacrée à Apollon et à ses Muses, temple de la poésie : un lieu de réconciliation. Noé se retrouve avec son arche posé – deuxième récit – sur le Mont Ararat, la montagne sacrée des grands conflits entre Arméniens et Turcs : un lieu de lacération.
Le projet théâtral de cette longue exploration sur le thème du DELUGE partage le destin de ceux qui parviennent à se sauver sur le Parnasse.
Traduction de l’italien au français par Rita Freda
15 mars 2022
Avec
Simone Audemars (CH), Lina Prosa (I), Dine Alougbine (Bén), Anna Barbera (I), Eliot Bühlmann (CH), Anne Durand (F), Aurora Falcone (I), Hélène Firla (CH), Rita Freda (CH), Bérénice Hamidi-Kim (F), Hervé Loichemol (F), Luka Salza (F), Achille Senifa (Bén), Salvatore Orlando (CH)
Lire le rapport d’activité (en italien et en français)