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Colloque 2022 – Trois journées d’exploration sur le thème du déluge

11, 12 et 13 avril

Le Déluge/une forme contemporaine pour nous interroger
Note de Lina Prosa

Le mot DELUGE s’accorde de façon double, tangible, poétique, à la période historique que nous vivons. Depuis longtemps nous sommes mal à l’aise face à des signes profonds de crise émanant de tous les aspects de l’expérience de l’humain. La dimension totalisante de la crise dans laquelle nous nous trouvons a besoin à son tour de se représenter de manière totalisante.
Il n’y pas de meilleure représentation que celle du DELUGE pour nommer la situation mondiale dans laquelle l’homme se trouve, pris dans un profond conflit anthropologique : la dimension du sensible ne sait comment s’adapter au global et la dimension du marché, au contraire, trouve dans le global sa grande maison idéale.
Le conflit semble incurable car ce genre de malaise et ce genre de bonheur dépendent l’un de l’autre.
Aussi, seul le DELUGE peut mettre un terme à un tel fait, une forme de remise à zéro et de redémarrage. Plateforme pour repenser le présent qui est toujours plus exposé à l’aquifère.
Nous nous dirigeons vers un destin obscur et définitif, recouvert par pitié d’eau, le liquide primitif dont parlent les récits mythiques provenant de l’imaginaire du passé.

Le DELUGE est aussi un rite de création qui marque un nouveau départ ; un rite de purification d’où faire surgir la nouvelle histoire de l’humain quand celle-ci devient anachronique, étrangère aux urgences du présent.

Même la pandémie de la Covid, au moment crucial du confinement, a conduit des individus du monde entier à faire des promesses de changement, de mise en pratique d’une nouvelle conscience de l’humain, une façon pour eux de conjurer un déluge localisé dans leur propre corps. Des promesses non tenues, aggravées même aujourd’hui depuis la funeste invasion de l’Ukraine par la Russie de Poutine qui entre avec violence dans la perspective tragique de l’attente de la fin.
Le terme DELUGE contient une valeur dramaturgique extraordinaire. Il trace le développement d’un conflit du présent et de son insatisfaction, s’inscrit dans la conscience du pendant.
Dans la mythologie, le DELUGE est provoqué par une main extérieure, attribuée à Zeus dans l’Olympe grecque et à Dieu dans le récit de l’Ancien Testament.
A qui sera attribuée cette main extérieure dans le troisième récit du DELUGE contemporain ? Ou est-ce uniquement l’angoisse du devenir qui touche à ses moments les plus sombres ?
Toute société vit à sa manière la résurgence du DELUGE.
La société actuelle le perçoit comme un processus inexorable d’intériorisation qui la conduit au blocage de l’action subversive, à l’impossibilité d’agir, d’intervenir pour le salut.
Le corps est prisonnier. Le corps est victime. Comment le libérer ?
La question est prise en charge par le théâtre, apte à rendre concevable l’urgence d’une condition qui se trouve à l’origine de l’évocation du DELUGE.
Il substitue à l’indicible global le dicible individuel.
Les deux récits anciens les plus connus nous montrent deux façons de comparer et de lire le DELUGE.
Après la décrue des eaux, dans la mythologie grecque – premier récit -, Deucalion et Pyrrha se retrouvent sur la cime du Parnasse, la montagne de Delphes consacrée à Apollon et à ses Muses, temple de la poésie : un lieu de réconciliation. Noé se retrouve avec son arche posé – deuxième récit – sur le Mont Ararat, la montagne sacrée des grands conflits entre Arméniens et Turcs : un lieu de lacération.

Le projet théâtral de cette longue exploration sur le thème du DELUGE partage le destin de ceux qui parviennent à se sauver sur le Parnasse.

Traduction de l’italien au français par Rita Freda /15 mars 2022

Avec
Simone Audemars (CH), Lina Prosa (I), Dine Alougbine (Bén), Anna Barbera (I), Eliot Bühlmann (CH), Anne Durand (F), Aurora Falcone (I), Hélène Firla (CH), Rita Freda (CH), Bérénice Hamidi-Kim (F), Hervé Loichemol (F), Luka Salza (F), Achille Senifa (Bén), Salvatore Orlando (CH)

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