Entendre, dire, jouer Claudel
L’écriture théâtrale de Claudel abrite une énigme. Apparemment à l’écart de toute actualité, elle maintient une puissance d’attraction pour les acteurs et actrices, metteurs et metteuses en scène. Elle s’obstine à trouver, à toucher des publics contemporains, parfois vastes, malgré ses difficultés. Cette master-class voudrait expérimenter quelques modalités et raisons de cette force.
Une de ses ressources tient à son ancrage intense dans le poétique. Mais il ne suffit pas d’être poème pour produire le théâtre : Mallarmé reste moins sollicité sur les scènes. Quel rapport à la poésie met en mouvement cette écriture scénique ? Comment cette pratique sonore, prosodique, métrique, rythmique, tient-elle la scène en convoquant la vie physique des interprètes ? Il est aussi question des figures, images et visions portées par les textes : par quelle sorte de vitalité, traversant le jeu, atteignent-elles les sensibilités spectatrices ?
Et encore, quelle pratique singulière du dialogue structure ces écrits, l’inscrivant dans des situations élémentaires, en les transcendant à tout moment ? Comment circule, se transmet, s’intensifie la puissance poétique dans le passage entre comédiens et comédiennes ?
Pour éprouver ces aspects, on engagera du travail sur le jeu. Le matériau principal sera la pièce L’Échange, dans sa première version (1895), parfois mise en rapport avec la seconde (1951)[1]. On fera, par moments, appel à des écrits non-théâtraux du même auteur (poèmes, prières, proses), pour chercher la différence théâtrale. On pourra établir des ponts avec d’autres écritures, dont l’énigme est peut-être comparable (Novarina). Enfin, on se demandera toujours comment ces textes sont nourris d’un rapport à la parole populaire, dans sa robustesse comique – parfois plus manifeste dans d’autres pièces (Le Soulier de satin), mais qui parcourt, obscurément ou visiblement, les séquences les plus lyriques.
Denis Guénoun
[1] Toutes deux sont réunies dans un volume de la collection de poche Folio-Gallimard
Pour en savoir plus sur Denis Guénoun: https://denisguenoun.org/biographie/
Texte(s) en soi
Stage de 15 jours pour comédien(ne)s professionnel(le)s. Aucune limite d’âge, ni inférieure, ni supérieure mais un texte mémorisé « au rasoir » d’une durée approximative de 3 à 5 minutes. Cela pouvait être un monologue, un texte littéraire, une scène de théâtre où l’on s’empare de tous les protagonistes… Le choix du texte à mémoriser était à la discrétion de chaque participant.
» Hors des contraintes de production, expérimenter une plongée respectueuse et bienveillante dans l’intime du comédien lorsqu’il profère son texte. Que se passe-t-il à l’intérieur de soi lorsque le texte se dit ? Peut-on intervenir, modifier, enrichir ce moment si particulier du présent du jeu ?
Regarder, sans référence à une quelconque « méthode », ni à aucune « recette » et dans le respect des différences de chacun comment, en amont, il est possible de dialoguer avec le texte dont on va avoir la charge, comment se nourrir de ce dialogue lors des répétitions et, in fine, comment tendre à apporter l’entier de soi dans chaque instant de la représentation ». Michel Voïta